La possible production d'une preuve déloyale dans le cadre d'un licenciement
Publié le :
15/02/2024
15
février
févr.
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2024
Le principe de loyauté dans l’administration de la preuve est consacré depuis longtemps par la Cour de cassation (Cass. AP 07/01/2011, n°09-14.316 et n°09-14.66) qui considérait de manière constante qu’en matière civile, lorsqu'une preuve était obtenue à l'insu d'une personne ou grâce à une manœuvre ou à un stratagème, elle devait être écartée des débats.
Dans deux arrêts du 22 décembre 2023, la Cour de cassation a fait évoluer sa position à ce sujet, considérant que, sous certaines conditions, une preuve déloyale pouvait être recevable dans un procès civil.
Dans la première affaire, un employeur justifie le licenciement de son salarié en produisant l’enregistrement audio de ce dernier, réalisé à son insu, lors de son entretien préalable. Dans la seconde affaire, le licenciement est fondé sur des propos tenus par un salarié sur la messagerie associée à son compte Facebook personnel, à laquelle un intérimaire a eu accès en travaillant sur l’ordinateur professionnel du salarié en son absence.
Les Cours d'appel ont déclaré ces preuves irrecevables et les ont écartées au motif qu’elles ont été obtenues de façon déloyale et illicite.
Les employeurs ont alors saisi la Cour de cassation en indiquant :
- Pour la première affaire, qu’aucune atteinte aux droits du salarié n’a été constatée et que la production en justice de cet enregistrement clandestin était justifiée car indispensable au droit de la preuve et à la protection des intérêts de l'employeur ;
- Pour la seconde espèce, que la preuve n’avait pas été obtenue par le biais d’un procédé clandestin, que sa production était nécessaire à l'exercice du droit de la preuve et que l'atteinte était proportionnée au but poursuivi.
Se trouvant face à un conflit entre le droit à la preuve et le principe de loyauté dans l’administration de la preuve, la chambre sociale de la Cour de cassation a renvoyé la question à l’Assemblée Plénière. L’Assemblée Plénière de la Cour de cassation opère ainsi un important revirement de jurisprudence en estimant désormais que « dans un procès civil, l’illicéité ou la déloyauté dans l’obtention ou la production d’un moyen de preuve ne conduit pas nécessairement à l’écarter des débats ».
La haute juridiction poursuit en indiquant que le juge doit apprécier si la preuve porte atteinte au caractère équitable du procès, et mettre en balance le droit à la preuve avec les autres droits opposés. Ainsi, le droit à la preuve peut justifier la production d’éléments portant atteinte à d’autres droits si une telle production est indispensable et si l’atteinte aux autres droits des salariés strictement proportionnée au but poursuivi.
S’agissant des propos tenus sur la messagerie du compte Facebook du salarié, la Cour rejette le pourvoi de l’employeur en énonçant qu’un « motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut justifier, en principe, un licenciement disciplinaire, sauf s'il constitue un manquement de l'intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail ».
Deux apports sont par conséquent énoncés par la Haute juridiction :
- D’une part, la Cour estime que le seul critère de déloyauté d’une preuve ne rend plus systématiquement cette dernière irrecevable. Désormais, c’est le contrôle de proportionnalité par la balance des droits et intérêts en présence qui prévaut (n°20-20.648) ;
- D’autre part, elle rappelle que la conversation privée tenue par le salarié, n’ayant pas vocation à être rendue publique, ne constitue pas un manquement du salarié à ses obligations découlant du contrat de travail. Un licenciement pour ce motif est donc dépourvu de cause réelle et sérieuse (n°21-11.330).
Référence de l’arrêt : Cass. AP du 22 décembre 2023, n°20-20.648 et n°21-11.330
Historique
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